- Article mis a jour le 04/03/2024
Dans cet article, nous développerons le long chemin silencieux de la base de données économiques et sociales du décret initial à aujourd’hui. Dix ans après sa création, nous pouvons dire que ses débuts ont été chaotiques et chahutés dans le paysage du dialogue social des PME\ETI. La BDESE, c’est l’histoire d’une progression lente mais une intégration certaine dans le quotidien des directions des ressources humaines.
L’origine des textes
Le concept de base de données économiques et sociales a été initié par l’Accord National Interprofessionnel (ANI) du 11 Janvier 2013, pour un nouveau modèle économique et social. Un accord interprofessionnel est un accord négocié et signé par les partenaires sociaux au niveau national, et qui s’applique à l’ensemble des secteurs d’activités sur le territoire national. Il porte notamment sur les conditions de travail et les garanties sociales des salariés.
Dans ce texte, il y est évoqué initialement un nom, la base de données unique, au sens d’une information fiabilisée et sans équivoque. Aussi, au départ la BDU est décrit comme un tableau de bord partagé entre la direction et le CSE pour faciliter la prise de décision pour une négociation éclairée.
A l’article 12 du texte, les contours du dispositif BDES sont dessinées, soulignant l’importance de la vision prospective à 3 ans, notion trop souvent mise de côtée par la suite. En effet, intégrer dans sa communication avec le CSE des données prospectives pour détailler la stratégie de l’entreprise est une petite révolution. Mais après d’âpres négociations, elle a finalement été désignée la base de données économiques et sociales signant le début d’un parcours semé d’embûches et la volonté affichée de lui faire perdre sa substance.
La BDES aurait dû être une révolution, ce sera finalement une obligation réglementaire de plus, venant doublonner les partages existants tout en perdant au passage son originalité : la concentration d’informations économiques et sociales au sein d’un support unique pour discuter partage de la valeur ajoutée avec les organisations syndicales.
Des débuts laborieux
La mise en place de la BDES est obligatoire pour toute entreprise de plus de 50 salariés depuis le décret du 14 juin 2015. Mais, dès sa parution, ce décret a été bousculé, avec la volonté légitime d’y ajouter le rapport d’égalité homme femme à son contenu (avec les lois Rebsamen). Le dispositif est devenu encore plus opaque avec son articulation avec les consultations sur la situation économique et financière, et la situation sociale. Les entreprises étaient perdues à ce stade dans un environnement social mouvant, bousculé de nouveau avec les lois El Khomri portant sur les accords majoritaires d’entreprise…. Après cela, la notion de BDES sera dans le flou et presqu’à l’arrêt jusqu’en 2017.
La clarification juridique porteuse de changement
Les ordonnances Macron redéfinissent le rôle central de la base de données économiques et sociales comme support du dialogue social. Avec l’apparition juridique du comité social économique (CSE), les ordonnances associent sans équivoque la base de données économiques et sociales au contenu des 3 consultations récurrentes. Les ordonnances aboutissent à la définition d’un contenu par défaut, dit supplétif par les articles de lois Article R2312-7 à R2312-15 adapté à chacune des consultations. A ce stade, tout le monde est en droit de penser que la BDES reprendra ses lettre de noblesse. Mais, c’est aussi sans compter la refonte expresse des droits des salariés licenciés, la baisse des effectifs des CSE, la réforme de l’assurance chômage,
La définition des index égalité homme femme
Le gouvernement fait du principe d’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes une grande cause nationale et propose d’apprécier par le calcul d’index son respect dans les entreprises de plus de 50 salariés. Le résultat du calcul de ces index devra être communiqué par l’entreprise auprès de sa DIRECCTE, sur son site internet mais aussi au CSE. L’Article D1142-5 précise comment.
Litiges et jurisprudence
Dans les faits, le dispositif a connu de nombreuses contestations comme la notion de prévision à 3 ans, son accessibilité permanente et sa place en tant que première étape à toute consultation récurrente.
- Prévision : la question de la prévision à 3 ans a été le sujet d’une décision du Tribunal de grande instance de Nanterre référé, n° 17/00057 qui a exigé de l’entreprise qu’elle produise ces prévisions, suspendant ainsi l’avis du CE la consultation sur les orientations stratégiques
- Accès permanent : la condition d’accès permanent doit être considérée comme satisfaite dès lors que la BDES est accessible « soit par informatique pendant les heures de travail à partir de l’adresse IP des agences, soit sur support papier par courrier ou fax sur demande » Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 septembre 2019, 18-15.504
- BDES et consultations du CSE : le défaut de BDES peut entrainer des conséquences sur l’organisation de projets impactant pour l’entreprise, comme un projet de cession d’entreprise qui peut être bloqué par les élus, un plan de sauvegarde de l’emploi qui peut être suspendu,…
Le E d’environnement pour la BDESE
Pour finir en avril 2022, la BDES intègrera une partie environnementale. Initialement, les entreprises de 50 à 300 salariés ne devaient pas être concernées par ce nouveau chapitre. Au final, la BDESE intégrera cette partie convenue, aux exigences minimales, et qui ne révolutionnera pas la dimension environnementale de l’entreprise.
Les perspectives de la BDESE
Si la base de données économiques et sociales a connu des débuts difficiles, le concept initial est en définitive relativement simple. Dans un contexte incertain avec des entreprises soucieuses de rassurer leurs salariés, ce dispositif a pour objectif de permettre à une direction de porter un constat sans équivoque et de partager avec son CSE un état des lieux et des perspectives d’avenir. La BDESE a été souvent décriée comme inutile par les dirigeants, trop longue à compléter par les directions des ressources humaines et trop complexes à lire pour les organisations syndicales. Après plus de 10 ans de tergiversations, il serait judicieux que le législateur puisse dresser plusieurs constats concernant la BDESE des PME et ETI :
- l’idée initiale d’un tableau de bord partagé avec les organisations syndicales pour négocier ensemble les orientations stratégiques devrait être le fil conducteur d’une simplification de la BDESE vers la base de données unique.
- Une PME de 300 ou 400 salariés ne devrait pas doubler les indicateurs de la BDESE à présenter, et devrait pouvoir aisément choisir de présenter un contenu plus simple avec une procédure très simplifiée
- la BDESE doit être pensée comme un support de communication pour les PME\ETI avant d’être une base de données relationnelle en ligne tous les jours et en tout lieu consultable.
La BDESE redeviendra une base de données unique comme support des relations sociales.