BDU Expert

Ouvrons l’accès des salariés à leurs DSN

LA DSN UNE NORME EN EVOLUTION

 

Si vous êtes gestionnaire de paie, vous connaissez la DSN. Si vous êtes salarié(e), loin des enjeux paie des services RH, vous ne la connaissez sans doute pas, mais vous, elle vous connait.

La DSN – Déclaration Sociale Nominative– est une norme de paie matérialisée par un fichier texte, produit à partir du logiciel de paie de votre entreprise. Ce fichier est le vecteur de communication des informations nécessaires à la gestion de la protection sociale des salariés, aux organismes et administrations concernées, permettant de remplacer l’ensemble des déclarations périodiques ainsi que diverses formalités administratives adressées jusqu’à aujourd’hui par les employeurs à une diversité d’acteurs (CPAM, URSSAF, AGIRC ARRCO, Organismes complémentaires, Pôle emploi, Centre des impôts, Caisses régimes spéciaux, etc.). Ce fichier texte est transmis sur la plateforme Net entreprise.

Et les organismes viennent y piocher l’information dont ils ont besoin. C’est ainsi que vos droits de salarié, en indemnités journalières, que votre impôt, que vos allocations chômage, et que vos droits à la retraite sont calculés. Pour la norme NEODES (qui décrit les règles de transmission de ces informations), le logiciel de paie produit ce fichier texte selon ses instructions, le transmet et les droits des salariés sont calculés par des organismes en mesure de le faire à partir des données récoltées. La mécanique officielle, bien que très souvent parfaite, masque les détails dans lequel le diable aime à se nicher.

LA DSN UNE NORME AMBITIEUSE

Avant de faire le bilan, je tiens à préciser que j’étudie cette norme de paie depuis la phase 2 en 2015 auprès essentiellement de PME et ETI, sur des secteurs d’activité divers couverts par des éditeurs de paie très divers également.  Je pense que la mise en place de cette norme unique dans un environnement aussi complexe que la paie française est une performance à saluer. Et enfin, je n’ai pas connaissance d’un autre pays au monde ayant institué un tel dispositif, ce qui fait de la France un  précurseur. Pour conclure, je suis un fervent défenseur de ce dispositif porteur de simplification et de transparence . Et justement, la proposition que j’amène à débattre dans cet article a pour objectif de regarder en face la qualité des DSN, en vue de sécuriser les intérêts de toutes les parties prenantes : les organismes de protection sociale, les entreprises mais aussi les salariés.

COMMENT EST VECU LA DSN DANS LES ENTREPRISES ?

Après avoir formé de nombreux gestionnaires de paie, je constate qu’ils sont souvent désorientés par rapport à la DSN et les transmissions de données qu’ils opèrent par ce canal. En effet, la DSN est produite par le logiciel de paie sous un format texte dont les règles de constitution sont décrites dans une norme représentée par le cahier technique. La norme NEODES décrit le résultat du fichier texte aux éditeurs, charge à ces éditeurs de respecter la production de ce format. Force est de constater que les éditeurs n’ont pas tous la même réponse, et le même niveau d’avancement dans les exigences de la norme.

La DSN est une retranscription de la paie, c’est-à-dire que le logiciel de paie conserve ses fonctionnalités originales pour produire la paie et ajoute souvent une couche pour répondre à la production de ce format. La retranscription est plus ou moins heureuse, en fonction sans doute de la compatibilité du logiciel avec l’écriture de cette norme. De ce fait, il est plus que courant de constater des écarts importants entre les informations exigées, l’information réellement transmise et l’information affichée dans le logiciel. A force de contrôle, il est permis de penser que les logiciels et les gestionnaires de paie finiront par réduire ces écarts. Il n’est pourtant pas si simple pour les gestionnaires de paie de contrôler efficacement leurs DSN, à moins d’être équipés de logiciels spécialisés.

LA DIFFICULTE A CONTROLER LES DSN

Les gestionnaires de paie de PME sont souvent dépourvues pour correctement analyser leurs DSN parce que le format proposé n’est pas facilement lisible par leurs propres moyens. Il faut imaginer qu’un fichier DSN pour 30 salariés, c’est un fichier texte de plus de 6000 lignes, soit environ 200 lignes par salarié pour un mois. Et que ces 200 lignes sont corrélées entre elles par une hiérarchie décrite par la norme, avec des codes informatiques comme par exemple le bloc S21.G00.30 individu, qui lui est lié au bloc contrat S21.G00.40…… Pour faire simple, l’organisation du fichier ainsi que la forte technicité nécessaire à corréler entre elles les informations, fait que la plupart des gestionnaires de paie sont incapables de contrôler leurs DSN. Ils font donc très souvent une confiance aveugle à leur éditeur de paie, en omettant néanmoins que :
1. l’entreprise reste responsable de ses déclarations
2. les salariés peuvent être les victimes collatérales de ces imprécisions

DES INFORMATIONS MAL RETRANSCRITES

Pour étayer mes propos d’exemples, je parlerai des cas de ces entreprises, qui en étudiant les fichiers texte DSN transmis, se sont aperçues qu’ils ne transmettaient pas le salaire brut de leurs salariés parfois depuis plusieurs années, ces heures rémunérées et d’absence ne correspondant pas aux informations exigées par la norme, ces temps de travail au contrat inexacts, ces salariés déclarés en agent de maîtrise quand ce sont des ouvriers….. Sans pouvoir citer toutes les imprécisions rencontrées, je peux dire que je n’ai pas rencontré une entreprise présentant des données DSN entièrement conformes et que les informations erronées qu’elles transmettent ne génèrent très souvent aucune alerte, ni anomalie. Tout se passe dans l’indifférence générale, tant pour l’entreprise que pour les Organismes de protection sociale. Comme si personne ne s’en apercevait, ou que tout le monde regardait ailleurs.

Je me pose très souvent la question: quels impacts auront ces manquements sur les droits des salariés concernés, sur leurs indemnités journalières, sur leurs droits au chômage et leurs droits à la retraite ?

Avoir une vision d’ensemble des impacts est complexe, car les méthodes de calcul de nos droits ne sont pas toujours si simples, et que dire des interactions des données entre elles. Alors, si c’est déjà complexe aujourd’hui, que la mémoire est fraîche, qu’en sera-t-il dans 30 ans, quand le dît salarié devra liquider sa retraite ?

Nous pourrions nous dire que les logiciels vont s’améliorer, que les gestionnaires de paie contrôleront mieux leurs déclarations…. C’est certain. Mais finalement, qui mieux que le salarié peut-il confronter l’ historique enregistrée par l’organisme à ses propres fiches de paie, et à la situation qu’il connaît ? Et alors qu’on utilise ses données personnelles pour améliorer les services de l’Etat, optimiser le traitement des organismes de protection sociale et pour simplifier la vie des entreprises, pourquoi le salarié ne tirerait il pas lui aussi bénéfice de cette information partagée ?

POUR UN DROIT D’ACCES PAR SALARIE A SON SEGMENT DSN

C’est la raison pour laquelle, je pense que les organismes de protection sociale devraient mettre à la disposition des salariés, les informations DSN qui les concernent, pour ainsi leur permettre un droit de regard sur le calcul de leurs droits. Il serait question de fournir aux salariés une information lisible, avec un niveau de détail suffisant permettant aux plus avertis une transparence rassurante.

La machinerie numérique de la DSN sera, à terme une optimisation majeure pour les entreprises, les organismes de protection sociale et l’Etat. Il ne faudrait pas que cette optimisation puisse rogner les droits des salariés, sans leur laisser des voies de recours qui soient transparentes et accessibles.